S’inscrire à la TVA française en tant que société étrangère
Les entreprises étrangères qui réalisent des opérations économiques en France sont parfois tenues de s’enregistrer à la TVA dans le pays. Il convient de noter d’emblée que l’immatriculation d’une société étrangère à la TVA française ne signifie pas qu’il y a nécessairement création d’une nouvelle entité juridique, d’une filiale ou d’une succursale en France.
Lorsqu’une société étrangère est tenue de s’immatriculer à la TVA en France, c’est uniquement afin de se conformer à ses obligations fiscales en matière de TVA : collecte et paiement de la taxe sur les ventes de biens et de services, autoliquidation de la TVA à l’importation, dépôt des déclarations fiscales et statistiques. Elle pourra également récupérer la TVA payée sur ses achats locaux à titre professionnel.
Tant que la société étrangère n’a pas constitué un « établissement stable » en France, elle ne sera pas soumise à l’impôt sur les sociétés et aux autres impôts locaux comme c’est le cas pour les entreprises nationales. Le numéro de TVA français permet donc à une entreprise étrangère de gérer ses activités en France de la manière la plus simple. La seule exigence légale pour la plupart des sociétés établies en dehors de l’Union européenne est la désignation d’un représentant fiscal établi en France qui sera l’interlocuteur privilégié de l’administration fiscale.
Nous avons répertorié ci-dessous sept (7) cas courants pour lesquels une société étrangère est généralement obligée de s’immatriculer à la TVA en France. Quel que soit votre cas de figure, nous vous rappelons que l’enregistrement à la TVA française peut prendre entre six (6) et huit (8) semaines.
1. Importation en France de biens provenant d’un pays hors UE
2. Livraison de biens de France vers un autre pays de l’UE
3. Stockage de biens en France pour le E-commerce
4. Achat-revente de biens ne quittant pas la France
5. Prestations de services se rattachant à un immeuble situé en France
6. Introduction en France de biens en provenance de l’UE
7. Exporter des marchandises de la France vers un pays hors UE
Que se passe-t-il si je ne m’enregistre pas à la TVA en France ?
1. Importation en France de biens provenant d’un pays hors UE
En règle générale, depuis le 1er janvier 2022, une société étrangère qui importe des biens en France en son nom propre (c’est-à-dire qui agit en tant qu’importateur officiel) doit obtenir un numéro de TVA français préalablement au dédouanement. Le fait même d’être « importateur officiel » rend obligatoire l’immatriculation à la TVA française, quelle que soit la destination ou l’utilisation finale des biens importés en France.
Le régime d’autoliquidation de la TVA à l’importation étant désormais généralisé, aucun décaissement de la TVA n’est exigé pour le dédouanement. Le montant de la TVA douanière est plutôt reporté dans la déclaration périodique de TVA avec la possibilité d’opérer une déduction simultanée. Il convient de rappeler qu’en plus du numéro de TVA français, un numéro EORI émis par la douane française ou à défaut par la douane d’un autre pays membre de l’UE est indispensable pour les formalités de dédouanement en France.
Il existe différents schémas commerciaux qui peuvent amener votre entreprise située à l’étranger à agir comme « importateur officiel » en France. Par exemple, il peut arriver que vous ayez une opportunité de vendre vos produits à un client important en France, mais que ce dernier exige l’utilisation de l’incoterm DDP (Delivered Duty Paid ; en français « Rendu droits acquittés »), ce qui implique que les marchandises seront livrées en France déjà dédouanées. C’est très souvent le cas pour la livraison d’une machine avec installation ou montage).
Les marchandises importées en France peuvent également ne pas être destinées à la revente immédiate, mais serviront à la réalisation ultérieure d’autres types de projets commerciaux :
A- Vous effectuez des travaux de construction ou d’installation sur un site situé en France et vous devez importer en France des matériaux qui serviront à la réalisation des structures telles que les fermes solaires, les installations industrielles, les stands d’exposition, les présentoirs de magasins, les rayonnages d’entrepôts, les étagères de stockage et d’autres types d’infrastructures;
B- Vous êtes e-commerçant ou grossiste et vous devez expédier, depuis un pays hors UE, vos stocks dans les entrepôts d’une place de marché en ligne (ex. Amazon, Cdiscount, etc.) ou d’un prestataire logistique;
C- Dans le cadre d’un contrat de stock en consignation, vous expédiez des marchandises non communautaires à l’adresse de l’un de vos clients située en France;
D- Vous expédiez des équipements (lourds) en France pour une mise en location ou crédit-bail;
E- Vous expédiez des équipements d’interconnexion de réseau informatique dans un centre de données en France (service de colocation);
F- Vous expédiez des biens en France pour transformation, analyses, tests, essais et inspections techniques.
2. Livraison de biens de France vers un autre pays de l’UE
On qualifie de « livraison intracommunautaire » une livraison interentreprises de biens expédiés depuis la France métropolitaine à destination d’un autre pays de l’Union européenne. Il s’agit d’un flux d’exportation depuis la France avec cette particularité que le pays de destination finale est toujours un État membre de l’Union européenne. On retrouve également des livraisons intra-UE dans des flux complexes tels que les ventes successives et les opérations triangulaires.
A titre d’exemple, une entreprise bulgare de négoce commande des marchandises à un fournisseur français et demande la livraison dans un entrepôt logistique situé en France. Plus tard, la société bulgare organise le transport de ces mêmes biens vers son client assujetti à la TVA en Espagne.
La société bulgare n’est enregistrée aux fins de la TVA ni en France ni en Espagne. Elle est cependant réputée effectuer une livraison intra-UE de la France vers l’Espagne et devra de ce fait demander un numéro de TVA en France. Par la suite, elle devra déposer en France, soit directement, soit via son mandataire, les déclarations fiscales afférentes à ses activités sur le territoire français. La TVA facturée en amont par le fournisseur français sera également récupérable.
3. Stockage de biens en France pour le E-commerce
Votre entreprise est située à l’étranger et vous souhaitez vendre sur internet en France ? Vous pourriez être tenu de vous immatriculer à la TVA française pour pouvoir exercer votre activité dans le pays. L’immatriculation de votre entreprise étrangère à la TVA en France sera obligatoire si les deux conditions suivantes sont remplies:
- Vous vendez vos produits via votre propre site internet (présentation des articles et prise des commandes).
- Vous expédiez vos colis aux consommateurs depuis un stock situé en France.
Exemple:
Une société turque vend des meubles sur son propre site internet et souhaite effectuer des envois groupés vers la France une fois par semaine. Les meubles seront dédouanés, au nom de la société turque, à leur arrivée dans une plateforme logistique en France. Après les formalités de dédouanement, les colis seront dégroupés puis envoyés séparément à une dizaine de clients particuliers domiciliés en France. Cette société turque doit demander un numéro de TVA en France et produire des déclarations périodiques de TVA. En effet, ses ventes en France seront soumises à la TVA française au taux en vigueur (20% en 2024).
4. Achat-revente de biens ne quittant pas la France
Une société étrangère qui achète des biens en France et revend les mêmes biens en France n’est pas tenue de s’immatriculer à la TVA française lorsque le lieu de livraison est situé en France et le client final à qui les biens sont livrés dispose d’un numéro de TVA français valide.
En revanche, lorsque le lieu de livraison convenu est en France mais que le client final à qui les biens sont livrés ne dispose pas d’un numéro de TVA français (par exemple ce client final est un particulier, un organisme public, une collectivité territoriale, un hôpital, une entreprise étrangère, etc.), le vendeur intermédiaire de droit étranger doit dans ce cas s’immatriculer à la TVA en France et facturer la TVA française au client final.
Pour l’illustrer, prenons le cas d’une entreprise allemande « A » qui passe une commande de biens auprès d’un fournisseur britannique « B » et le lieu de livraison convenu est situé en France. L’entreprise britannique « B » achète les biens, objet de la commande, auprès d’un fabricant français « C » suivant les conditions de livraison Ex Works (c.-à-d. marchandises au départ de l’usine situé en France).
L’acquéreur allemand « A » bien qu’enregistré à la TVA dans son pays d’origine, n’a pas de numéro de TVA valide en France. Le mécanisme d’autoliquidation de la TVA prévu par le code général des impôts ne peut donc pas s’appliquer dans la transaction entre « B » et « A ». Il est donc nécessaire que le fournisseur britannique « B » se fasse immatriculer à la TVA en France et facture la TVA française sur sa vente à l’acquéreur allemand « A ». Ce dernier pourra toujours faire appel aux services d’un fiscaliste pour l’aider à récupérer la TVA supportée en France.
5. Prestations de services se rattachant à un immeuble situé en France
Une prestation de services se rattachant à un bien immeuble situé en France est toujours taxable en France. Lorsque le prestataire est une entité étrangère et que son client détient un numéro de TVA valide en France, la TVA française ne doit pas être mentionnée sur la facture de service puisque c’est le régime d’autoliquidation qui s’applique.
Toutefois, lorsque le preneur de la prestation de services n’est pas identifié aux fins de la TVA en France (ce pourrait être le cas pour un particulier, un organisme public, une collectivité territoriale, un hôpital, une entreprise étrangère, etc.), le prestataire étranger doit s’immatriculer à la TVA en France afin de facturer la TVA française à son client.
On peut citer comme prestations de services se rattachant à un immeuble:
– Les services d’aménagement/de design intérieur;
– L’agencement d’un espace commercial;
– Le nettoyage des canalisations;
– La rénovation des bâtiments;
– Les travaux de construction;
– Les services architecturaux;
– La location de showroom;
– La location d’espace;
– Etc.
L’organisation d’un congrès, d’un colloque ou d’un symposium par un professionnel de l’organisation d’événements désigné PCO – “Professional Congress Organiser” – est une notion voisine aux prestations de services se rattachant à un immeuble. En effet ces manifestations ont généralement lieu dans l’enceinte d’immeubles spécialement conçus pour les accueillir comme les centres de congrès et les parcs des expositions situés en France. Il convient cependant de préciser que l’organisation (ou la commercialisation) de ces manifestations à caractère scientifique suit un régime fiscal qui lui est propre.
6. Introduction en France de biens en provenance de l’UE
L’acquisition intracommunautaire est l’importation en France de biens provenant d’un autre pays membre de l’Union européenne. Ce type de flux suit un régime spécifique de taxation en matière de TVA. Un entreprise étrangère qui n’est pas identifiée à la TVA française et qui souhaite introduire en France des biens en provenance de l’UE se verra facturer la TVA du pays UE d’expédition par son fournisseur.
Imaginons par exemple qu’une entreprise italienne passe commande auprès d’un fournisseur espagnol et que la livraison des marchandises devra se faire de l’Espagne vers un entrepôt logistique situé en France. Si l’entreprise italienne n’est pas enregistrée à la TVA en France, son fournisseur lui facturera en principe la TVA espagnole (au taux de 21%) car l’une des conditions d’exonération de TVA pour livraison intracommunautaire n’est pas remplie. Dans ce cas de figure, le processus de récupération de la TVA en Espagne pourrait s’avérer être un véritable défi pour l’acheteur italien.
Outre les questions de conformité fiscale, l’une des raisons pratiques d’obtenir un numéro de TVA français est de permettre à l’entreprise étrangère qui souhaite réaliser une acquisition intracommunautaire en France de ne pas supporter la TVA dans un autre pays de l’UE (c.-à-d. le pays du fournisseur) où le processus de récupération de la taxe pourrait être laborieux.
Une affectation assimilée à une acquisition intracommunautaire peut également avoir lieu lorsqu’une entreprise étrangère transfère les biens lui appartenant d’un pays membre de l’UE vers la France. Le fait que les biens soient transférés en dehors d’une transaction commerciale ne dispense pas l’entreprise étrangère de s’immatriculer à la TVA en France pour se conformer à ses obligations déclaratives.
7. Exporter des marchandises de la France vers un pays hors UE
Il arrive très souvent qu’une société étrangère acquière des marchandises en France pour ensuite les exporter en dehors de l’Union Européenne soit en l’état, soit après transformation. Sur le plan purement fiscal, même si une exportation réalisée en bonne et due forme est en principe une opération exonérée de la TVA, l’entreprise étrangère est cependant tenue de la mentionner sur sa déclaration de TVA déposée en France, d’où la nécessité de se faire immatriculer à la TVA française.
Sur le plan douanier par contre, depuis le 1er Octobre 2020, l’exportateur à partir de la France doit obligatoirement être établi sur le territoire douanier de l’Union Européenne. Ainsi, une société établie en dehors de l’UE (au Royaume-Uni par exemple) ne peut plus agir directement comme « exportateur » figurant en Rubrique n° 2 de la déclaration en douane (DAU). Elle doit plutôt désigner contractuellement une personne établie en France (ou dans l’UE) qui agira comme « exportateur » pour son compte.
Le fait que l’exportateur au sens douanier soit une entité différente ne dispense pas la société étrangère de se faire immatriculer à la TVA française, car elle conserve sa qualité d’ « exportateur » au sens fiscal, c’est-à-dire de vendeur réalisant une livraison à l’exportation.
A titre d’exemple, une entreprise britannique (A) souhaite exporter vers le Maroc des biens qu’elle a préalablement acquis auprès d’un fournisseur français (B) et fait transformer par un prestataire de service (C) également situé en France. Bien que la société « A » puisse être « exportateur au sens fiscal », elle ne pourra pas agir en France comme « exportateur au sens douanier ». Elle devra donc désigner un exportateur douanier établi dans l’UE et se faire par ailleurs immatriculer à la TVA en France pour déposer une déclaration de TVA.
En fonction du pays d’origine de la société étrangère, il pourra être nécessaire que la demande d’enregistrement à la TVA en France se fasse par l’intermédiaire d’un représentant fiscal lui-même établi en France. Il est fortement conseillé d’engager les démarches d’immatriculation à la TVA française suffisamment en amont du projet, afin de faciliter la récupération de la TVA éventuellement facturée sur l’acquisition des marchandises destinées à l’exportation.
Que se passe-t-il si je ne m’enregistre pas à la TVA en France ?
En tant que société étrangère, vous devez vous assurer de votre conformité fiscale pour les opérations que vous réalisez en France comme c’est déjà le cas dans le pays d’origine. Si vous avez des opérations taxables ou des obligations déclaratives en France et que votre entreprise n’a pas de numéro de TVA en France, vous vous exposez à un redressement fiscal de la part du fisc français. Vos coordonnées peuvent être obtenues par tout moyen légal, y compris par vos relations d’affaires.
L’administration fiscale française peut également demander une assistance technique internationale à ses homologues dans des pays étrangers (par exemple HM Revenue & Customs au Royaume-Uni) afin d’enquêter sur des entreprises qui ne se conforment pas à leurs obligations fiscales en France et procéder, le cas échéant, à des redressements fiscaux. Dans certains cas, le délai de reprise peut aller jusqu’à 10 ans.
Questions ?
Nous aidons déjà des entreprises étrangères comme la vôtre dans leur mise en conformité fiscale en matière de TVA en France. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin d’une assistance spécifique à votre situation. Veuillez nous adresser vos questions à l’adresse mail figurant sur le formulaire de contact ou appelez-nous au numéro suivant: +33-261-536-544.