Sanctions fiscales en matière de TVA en France
Dans un communiqué de presse publié sur son site internet le 4 septembre 2015, la Commission Européenne interpellait les États membres au sujet de l’écart croissant constaté en matière de perception des recettes TVA dans l’UE. L’écart TVA est en effet “la différence entre le montant théorique des recettes de TVA et le montant effectivement perçu”.
Pour l’année 2013, un rapport mentionné dans ledit communiqué fait état d’un manque à gagner estimé à 168 milliards d’euros de TVA dans toute l’Union Européenne. Dans ce contexte particulier, la Commission a rappelé aux États membres la nécessité d’adopter au niveau national “une position plus ferme à l’égard de la fraude et d’assurer une mise en œuvre des règles plus rigoureuse”.
En France, les lois fiscales adoptées ces dernières années tendent à accroître les moyens permettant à l’administration de débusquer la fraude fiscale et resserrer l’étau autour des contrevenants. Le résumé des sanctions propres au régime de la TVA que nous faisons ci-dessous est destiné en priorité à l’information des entreprises étrangères qui réalisent des activités économiques taxables dans l’hexagone.
1. Comment le fisc français peut-il être informé de mes activités en France?
Si vous êtes une société étrangère et que vous réalisez en France des opérations économiques non déclarées et pour lesquelles vous êtes redevable de la TVA française (ou d’autres obligations déclaratives), le fisc français dispose d’un arsenal technique et réglementaire lui permettant de vous identifier.
Tout d’abord, il dispose d’un système performant d’analyse des données lui permettant de recouper des flux de biens et services, y compris les opérations transfrontalières impliquant l’administration des douanes. Cet outil est renforcé par l’échange automatique d’informations entre États membres de l’UE via le réseau européen anti-fraude né en 2011 (à l’initiative de la France) et baptisé Eurofisc.
Ensuite, l’administration fiscale peut également faire valoir son droit de communication en exigeant à vos partenaires commerciaux en France (fournisseurs, clients, sociétés de logistique ou de transport, etc.) de lui communiquer tout document commercial (factures, documents comptables, dossiers commerciaux) lui permettant d’exercer normalement son pouvoir de contrôle. Depuis 2015, tout refus de communiquer de telles informations est passible d’une amende fiscale de 5000 € par demande.
Enfin, le Ministre français des finances a récemment indiqué au journal Le Parisien l’intention de rémunérer à l’avenir des lanceurs d’alertes (plus couramment appelés « indics » – en France – ou « dénonciateurs » – au Canada francophone). Il serait question de récompenser toute personne détenant des informations privilégiées qui permettraient aux agents du fisc de redresser une personne physique ou morale impliquée dans la fraude ou l’évasion fiscale.
2. Que risque mon entreprise en cas de non-respect de la législation sur la TVA?
Nous reprenons dans le tableau ci-dessous l’essentiel des sanctions en matière de violation de la législation française sur la TVA. Pour la simplicité, il sera également intégré les pénalités liées aux déclarations statistiques.
Obligations fiscales | Absence | Retard | Erreurs ou omissions | Références légales |
---|---|---|---|---|
Déclaration d’inscription à la TVA | Taxation d’office(1) sur 10 ans + majoration de 80% + intérêts de retard. | Pénalités de droit commun.(2) | R.A.S. | Art. 66 – 3° du LPF et Art. 1728 – 1 du CGI |
Déclaration de TVA | Majoration(3) de 10% ou amende(4) de 150 € par déclaration quand il n’y a pas de taxe à payer. | Majoration de 10% ou amende de 150 € par déclaration quand il n’y a pas de taxe à payer. | Se référer aux notes de renvoi.(5) | Art. 1728 – 1 du CGI et Art. 1729 B – 1 du CGI |
Télédéclaration | Majoration(6) de 0,2% avec un minimum de 60 €. | R.A.S. | R.A.S. | Art. 1738 – 1 du CGI |
Paiement de la TVA | Majoration de 5% cumulée aux intérêts de retard(7) de 0,4% par mois. | Majoration de 5% cumulée aux intérêts de retard de 0,4% par mois. | La fraction impayée suite à un règlement partiel est passible de pénalités de retard. | Art. 1730 – 1 du CGI et Art. 1727 – III du CGI |
Télépaiement | Majoration de 0,2% avec un minimum de 60 €. | R.A.S. | R.A.S. | Art. 1738 – 1 du CGI |
DEB (Flux expédition) | Amende de 750 € par déclaration ou 1500 € au-delà de 30 jours suivant la mise en demeure. | Amende de 750 € par déclaration ou 1500 € au-delà de 30 jours suivant la mise en demeure. | Amende de 15 € par erreur ou omission, dans la limite de 1500 € par déclaration. | Art. 1788 A – 1 du CGI et Art. 467 – 4 du CD |
DEB (Flux introduction) | Amende de 750 € par déclaration ou 1500 € au-delà de 30 jours suivant la mise en demeure. | Amende de 750 € par déclaration ou 1500 € au-delà de 30 jours suivant la mise en demeure. | Amende de 15 € par erreur ou omission, dans la limite de 1500 € par déclaration. | Art. 1788 A – 1 du CGI et Art. 467 – 4 du CD |
Émission des factures | Amende correspondant à 50% du montant encaissé, réduite à 5% si l’opération a été comptabilisée. | R.A.S. | Amende de 15 € par omission ou inexactitude, sans dépasser le ¼ du montant de la facture. | Art. 289 du GCI, Art. 1737 – I – 3 du CGI et Art. 1737 – II du CGI |
Facturation de la TVA | 100% du montant de la taxe éludée + majoration de 10% + intérêts de retard. | Majoration de 10% + surplus éventuel de 5% + intérêts de retard. | R.A.S. | Conseil d’État n° 11798, 14/12/1979. Art. 1728 – 1 du CGI, Art. 1721 – III du CGI |
Autoliquidation de la TVA | Amende de 5% si le montant de la TVA à autoliquider ouvre droit à déduction. Sinon, 100% du montant de la taxe éludée + majorations de droit commun en fonction du caractère délibéré ou non + intérêts de retard. | En cas de correction spontanée avant toute action de l’administration, l’amende de 5% ne s’applique pas si le montant de la TVA à autoliquider ouvre droit à déduction. | R.A.S. | BOI-CF-INF-20-20-20150506, points 90 à 100. Art. 1788 A – 4 du CGI, Art. 1727 III du CGI, Art. 1729 A – 2 du CGI, Art. 1729 du CGI, Art. 1728 – 1 du CGI. |
(1) Le fisc procède lui-même à une évaluation du montant du chiffre d’affaires sur la base duquel la taxe sera imposée.
(2) Il n’y a pas de sanction en soi pour une immatriculation tardive à la TVA lorsque celle-ci est préalable à toute action de l’administration. Cependant, un retard d’enregistrement conduira forcément à un retard dans le dépôt des déclarations et le paiement de la taxe due. Ces infractions donnent lieu à des pénalités fiscales telles que décrites dans le tableau.
(3) La majoration de 10% s’applique lorsque la régularisation est spontanée ou se produit dans les 30 jours suivant la mise en demeure de l’administration par lettre recommandée. Si la régularisation intervient au-delà du délai de 30 jours après la réception de la mise en demeure, la majoration est portée à 40%. Elle atteint un taux maximal de 80% en cas de découverte d’une activité occulte (non déclarée).
(4) Lorsque le redevable a régularisé sa situation spontanément ou dans les 30 jours suivant la demande de l’administration, l’amende de 150 € ne s’applique pas s’il s’agit de la première infraction commise durant l’année en cours et les 3 années précédentes. – Art. 1729 B – 3, CGI –
(5) Les erreurs contenues dans une déclaration de TVA ne donnant pas lieu au paiement de la taxe (ex. une déclaration générant un crédit de TVA) sont sanctionnées par une amende de 15 € par omission ou inexactitude. Le minimum des pénalités est fixé à 60 € et le maximum à 10.000 € par déclaration (avec ses annexes). – Art. 1729 B – 2, CGI –
Lorsqu’il s’agit d’une erreur dont la correction (par le dépôt d’une déclaration rectificative) se traduit par un supplément de TVA à payer (comprend les cas de crédit de TVA dont le remboursement a été indûment obtenu), la sanction est la suivante : 100% du manque à gagner par le Trésor + majoration de 10% prévue à l’art. 1728 – 1 du CGI + intérêts de retard. – Art. 1729 A – 2, CGI –
Le taux de majoration est porté à 40% pour les manquements délibérés et 80% en cas de manœuvres frauduleuses. – Art. 1729, CGI –
(6) Si la déclaration devant être déposée par voie électronique ne donne pas lieu au paiement de la taxe (ex. déclaration « néant » ou créditrice), une amende de 15 € par document s’applique, avec un minimum de 60€ et un plafond fixé à 150 € pour l’ensemble des documents devant être produits simultanément. – Art. 1738 – 1, CGI –
(7) L’intérêt de retard n’est pas une sanction en soi. Il a pour but de compenser le préjudice subi par le Trésor du fait de l’encaissement tardif de sa créance. Il est définitivement calculé uniquement à compter de la date de paiement effectif de la taxe due au principal.
3. Sur combien d’années puis-je être sanctionné rétroactivement?
Le délai pendant lequel l’administration fiscale française peut exercer son pouvoir de contrôle et de redressement en matière de TVA est de :
- Pour le délai normal : 3 ans en arrière en comptant à partir du 31/12 de l’année en cours, plus l’année précédant la période de 3 ans, en comptant du 31/12 jusqu’à la date d’exigibilité de la TVA. En cas de demande d’assistance administrative internationale adressée à un État étranger par la France, le délai ci-dessus est prolongé de 2 années supplémentaires (soit en tout un peu plus de 5 ans).
- Pour le délai spécial : le principe reste le même que ci-dessus, à la seule exception que la période de 3 ans se transforme en 10 ans. C’est le cas par exemple pour les activités dites occultes (c.à.d. non déclarées ou, dans certains cas, exercées sans avoir une immatriculation à la TVA en France).
4. Mon entreprise étant à l’étranger, la distance peut-elle m’éviter un contrôle?
Non, pas vraiment.
La France a en effet conclu avec plusieurs pays du monde entier des accords d’assistance mutuelle en matière de recouvrement des impôts et taxes.
En pratique, cela signifie que le fisc français peut demander une assistance administrative internationale aux autorités fiscales d’un pays étranger, afin que celles-ci lui communiquent des renseignements précis sur un de ses résidents (particulier ou entreprise), en vue d’assurer le contrôle ou le recouvrement de la TVA en France. Ce type de demande d’assistance est par ailleurs susceptible d’inciter l’administration fiscale qui reçoit la requête à diligenter elle-même un contrôle fiscal sur son ressortissant.
Questions?
Corintax® Consulting est une société française de représentation fiscale exerçant son activité principalement pour le compte des entreprises étrangères. Si vous êtes chef d’entreprise ou directeur financier et que vous souhaitez mettre votre société de droit étranger en conformité avec la réglementation fiscale en matière de TVA en France, vous pouvez nous envoyer votre message à l’adresse suivante : vat@ corintax.com