TVA : Vente de moules industriels restant en France
Un fournisseur français vend à un client étranger (société située dans l’UE ou hors de l’UE) de l’outillage industriel destiné à rester en France. L’outillage en question (ex. moules à injection, machine-outil, autres moules, etc…) sera utilisé pour la fabrication d’un produit semi-fini ou fini qui sera ensuite exporté hors de France. L’acquéreur des produits finis est généralement le propriétaire légal des équipements (outillage) qui restent dans les usines du fabricant en France.
Question fiscale : si la vente des produits finis à la société étrangère est facturée hors taxe (car il s’agit d’une exportation ou d’une livraison intracommunautaire selon les cas), qu’en serait-il de la facturation de l’outillage qui reste sur le territoire français ?
Faut-il émettre une facture de vente d’outillage avec ou sans TVA française ?
Nous allons essayer de répondre à cette question tout au long de cet article. Mais afin de mieux cerner tous les aspects juridiques et fiscaux, nous invitons les responsables des services de facturation à poursuivre la lecture de cette analyse jusqu’à la fin.
1. Le principe général de facturation d’un bien restant en France
Les factures de vente d’outillage restant en France doivent inclure la TVA française au taux standard en vigueur (soit 20% à la date de rédaction de cet article).
En effet, par application des règles de territorialité de la TVA (CGI, Article 258-I-c), la vente d’un bien meuble corporel mis à disposition en France, au profit d’un acquéreur étranger (c.à.d. le donneur d’ordre), doit normalement être soumise à la TVA française. Il faut comprendre la notion de « mise à disposition » comme étant le moment à partir duquel le nouvel acquéreur peut librement faire ce qu’il veut du bien acquis, il a le droit d’en disposer à son gré comme propriétaire. La mise à disposition est ce que l’on appelle dans le langage courant des affaires « la livraison ».
Le fait que le client soit une société située hors de France n’a aucune incidence sur le principe de facturation de la TVA dans la mesure où les biens vendus restent physiquement sur le sol français.
2. La récupération de la TVA française par une société étrangère
La société étrangère à laquelle la TVA française est facturée (pour l’acquisition d’outillage industriel) a le droit de récupérer cette TVA en faisant une démarche dans ce sens auprès du service des impôts des non-résidents. Pour les sociétés étrangères établies hors de l’UE, elles doivent obligatoirement désigner un représentant fiscal établi en France qui prendra en charge les formalités de remboursement de la TVA pour leur compte.
Corintax® est une société de représentation fiscale accréditée par les autorités fiscales et peut très bien prendre en charge, pour le compte des sociétés étrangères, les demandes de remboursement de la TVA française.
3. La tolérance administrative permettant une exonération de TVA
Une doctrine fiscale admet que le fournisseur français facture la vente d’outillage hors taxe (HT).
Mais attention, cette tolérance est très encadrée car réservée à des conditions particulières. Elle ne s’applique que dans les situations cumulatives (toutes les conditions doivent être réunies) suivantes :
- L’acquéreur (donneur d’ordre) de l’outillage doit être une société établie hors de l’Union Européenne. Ne s’applique donc pas aux sociétés établies dans l’UE.
- L’outillage restant en France doit être utilisé par l’industriel français pour fabriquer des pièces pour le compte du donneur d’ordre.
- Les pièces fabriquées avec cet outillage sont exportées hors de l’UE (quel que soit le destinataire) par le fabricant français ou pour son compte. Ne concerne donc pas les cas où une partie des pièces fabriquées est livrée en France ou dans un pays membre de l’UE.
- La tolérance administrative permettant l’exonération de la TVA doit toujours être en vigueur à la date de la transaction commerciale (prendre la peine de bien vérifier).
Il faut cependant garder à l’esprit que, bien qu’une doctrine fiscale soit opposable à l’administration (LPF, Article L 80 A), une tolérance administrative n’est pas à proprement parler une loi codifiée. Ça veut dire que l’administration fiscale peut « rapporter » (c.à.d. abroger) sa tolérance du jour au lendemain et changer brusquement de position. Il lui suffirait simplement de modifier l’instruction administrative portant à la connaissance du public ladite tolérance.
Le risque encouru par l’industriel qui fournit l’outillage est qu’il continuerait avec insouciance à facturer la vente d’outillage HT alors même que la tolérance administrative ne serait peut-être plus en vigueur. L’exposition à un tel risque est encore plus élevée dans les entreprises où le logiciel de facturation a été paramétré pour émettre des factures de vente d’outillage sans TVA. Le scénario d’un redressement fiscal résultant au rappel de la taxe éludée deviendrait alors inéluctable dans cette situation.
4. Une approche conservatrice visant à garantir la sécurité fiscale du vendeur
En fonction de la philosophie fiscale en vigueur chez le fournisseur français, il lui est possible lorsqu’il vend de l’outillage à une société étrangère de choisir :
- Soit de facturer la TVA française :
Cette option offre une plus grande sécurité juridique et fiscale au vendeur dans la mesure où il prend appui directement sur le Code Général des Impôts (CGI). En plus, il n’est pas nécessaire qu’il se mette en position de risque fiscal dans la mesure où le client étranger a la possibilité de récupérer la TVA française ainsi facturée. Le délai moyen pour une première demande de récupération de la TVA varie entre 1 et 4 mois. Nous avons observé que les décisions pour les demandes suivantes s’obtiennent plus rapidement.
- Soit de ne pas facturer la TVA française :
Cette autre option offre une sécurité fiscale certaine, mais comportant des risques tels qu’exposés plus haut (point No.3). Il faudrait en effet être sûr à 100% que toutes les conditions d’exonération de la TVA sont bien remplies et mettre en place une veille juridique pour s’assurer que la tolérance administrative est toujours en vigueur à la date de l’opération.
Pour ce qui nous concerne, nous choisirions l’approche plus conservatrice qui consiste à facturer la TVA française, car elle garantit une meilleure sécurité fiscale et met le fournisseur à l’abri d’un rebondissement inattendu. Nous avons par ailleurs constaté dans la pratique que lorsque la TVA française n’est pas facturée à une société étrangère (alors qu’elle aurait dû l’être), quand le fournisseur français vient à découvrir sa méprise essaie de se faire régler la TVA quelques mois ou années plus tard, la société étrangère est souvent très réticente à payer cette taxe (d’autant plus qu’il se pourrait que la TVA en cause soit déjà frappée de forclusion et ne peut donc plus être récupérée par l’acquéreur auprès du service des impôts des non-résidents).
Des questions ?
Pour toute question relative à la récupération de la TVA française sur l’achat de l’outillage industriel, veuillez nous écrire à vat@ et nous serons heureux de vous répondre. corintax.com